Francis POINEAU
Éleveur d'Agneau de Lait des Pyrénées
Mon exploitation
C’est un parcours peut-être un peu atypique. J’ai une formation générale, un bac scientifique, et j’ai fait une classe préparatoire aux écoles d’agronomie. Je ne suis cependant pas allé au bout de ces études, puisqu’à l’âge de faire mon service militaire en 1975, j’ai choisi d’aller dans le Pays-Basque pour travailler dans des exploitations agricoles. Je me suis alors pris au jeu de la découverte du pays, de la langue, et j’ai eu le désir de devenir un acteur économique de la filière ovine dans laquelle je travaillais, avec au départ dans l’idée de reprendre la ferme de mon oncle. Ça n’a pas pu se faire. Ayant découvert le système transhumant dans la montagne Béarnaise au-dessus de Lescun, j’ai décidé de m’installer comme éleveur berger sans terre avec transformation de fromage en reprenant un cayolar dans la Soule à l’été 1985. Entre temps dans les années 1982-1983 j’avais fait une formation professionnelle pour adultes sur la conduite du troupeau ovin.
Je suis berger sans terre. Cela implique que je ne suis propriétaire que de mon troupeau. J’ai un point d’accroche en montagne où je loue un parcours, qui m’est utile en été pendant 5 à 6 mois. Le reste du temps, en hiver, je loue des pacages dans la vallée. Cela fait désormais 25 ans que je suis associé avec un éleveur : nos troupeaux sont regroupés. J’assume plus la période de transhumance en été et le suivi de la fabrication du fromage en hiver, et mon collègue s’occupe plus de l’alimentation des brebis.
Mon troupeau
Mon troupeau est constitué d’environ 140 brebis. J’ai travaillé avec les trois races locales : en Basco-Béarnaise quand j’étais dans le Béarn, en Manech tête noire dans certaines exploitations où j’ai travaillé, et depuis mon installation je suis en Manech tête rousse. J’ai fait ce choix notamment en raison de son gabarit plus petit, qui permet une manipulation plus facile, et une demande alimentaire plus faible. Aussi, elle est plus indépendante et les agneaux sont plus dégourdis. Enfin, j’aime bien ses petites taches rousses.
Mes journées
En hiver nous commençons la traite à 6h45. Elle dure 1h à 1h15. Après la traite, il faut nourrir et soigner les brebis, mais également faire la transformation du fromage. On doit alors faire attention au nettoyage, à la qualité du lait, à la température pour la mise en pressurage et mettre en route la fabrication, qui nous prend la matinée. En fin de matinée on redistribue à manger aux brebis, puis on les sort. La durée de pâturage est fonction de la saison et du temps. On leur donne à nouveau du fourrage lorsqu’on les rentre. La traite du soir commence à 18h30, et la journée se termine vers 20h. Lorsqu’on prend en compte en plus de cela le changement de litière, et les changements de parc lors de la pâture, cela demande un suivi permanent des brebis.
En été, on démarre dès le point du jour. On commence par trier les brebis car certaines doivent être traites et d’autre non. Après la traite, l’un d’entre nous s’occupe de la fabrication du fromage, et l’autre accompagne les brebis dans la montagne pour leur indiquer le sens de la pâture. Il faut aussi racler et nettoyer tout le choral pour que les brebis soient dans un environnement propre. Tout cela occupe la matinée. S’il n’y a eu aucun imprévu engendrant une perte de temps, nous faisons une petite pose en début d’après-midi, on fait tourner les brebis vers 3h, puis vers 18h on les trie à nouveau pour procéder à la traite, qui se termine vers 20h30.
L’engagement dans les filières de qualité
Pour moi les signes de qualités sont une adaptation des pratiques d’élevage et des savoir-faire ancestraux au contexte actuel. C’est un moyen de se démarquer par la qualité, et le rôle de nos IGP, AOP et Labels est de cultiver cette différence. On utilise le terme de cahier des charges pour le suivi de ces signes de qualité, mais pour moi ce n’est pas une charge, c’est plutôt un avantage.
Concernant l’agneau de lait des Pyrénées, IGP et Label Rouge, c’est un agneau qui va uniquement téter, et qui sera donc exclusivement nourri au lait de sa mère. Le lait de brebis étant extrêmement riche en protéines et en matières grasses, l’agneau aura une croissance rapide et équilibrée. Les mères restent la plupart du temps avec leurs agneaux. C’est toujours agréable de voir les agneaux gambader partout dans la bergerie. Le moment de la naissance est également un moment particulier. Pour certains agneaux, il faut les aider pour la première tétée. Une fois qu’ils ont goûté au lait, l’instinct prend le dessus et ils savent qu’ils doivent retourner vers la tétine de la mamelle.
L’Agneau de Lait des Pyrénées, inégalable
Déjà c’est une chair extrêmement tendre, et contrairement aux idées reçues sur la viande d’agneau ou de brebis, le goût est léger, plutôt neutre. Il y a une grande finesse dans la viande d’agneau de lait des Pyrénées, et c’est pour ça que les chefs aiment ce produit. Ça leur permet d’avoir leur façon à eux de le préparer, de l’assaisonner, de l’accompagner, et d’exprimer leur savoir-faire.
Malheureusement on a un peu perdu l’habitude de mettre l’agneau de lait à l’honneur, notamment lors de la période festive à Noël. Il a été remplacé par la volaille qui est d’une qualité souvent hétérogène, alors que l’agneau de lait mériterait d’être mis à l’honneur.
Ma recette préférée
Lors des repas de famille ou entre amis, on cherche en général à leur préparer ce que l’on a de mieux. Et pour moi, le mieux c’est un petit gigot d’agneau de lait des Pyrénées au four, simplement assaisonné avec du sel et du poivre, avec des pommes sautées et des haricots verts. Et si en plus on peut y rajouter quelques cèpes…
C’est simple à préparer et tout le monde se régale !